AUTO #26 : L’ÉVOLUTION EST EN MARCHE
Alors que la nouvelle saison de Formule 1 démarre, Nikolas Tombazis, responsable des Questions Techniques Monoplaces de la FIA, se penche sur l'effet probable des changements de règlementation majeurs de cette année, et explique pourquoi ils sont si importants pour l'avenir des Grand Prix.
Cette année, la FIA a introduit un certain nombre de changements majeurs dans la règlementation de la F1, en particulier dans le domaine de l'aérodynamique. Pouvez-vous expliquer quelles sont les principales évolutions et dans quel but elles ont été introduites ?
Les principaux changements apportés aux règles visent à permettre des courses plus serrées. Les plus importants concernent l'aile avant et les conduites de frein. Les changements à ces niveaux tendent à réduire la capacité des équipes à contrôler le flux d’air des roues avant, qui était renvoyé vers l'extérieur de la voiture et créait beaucoup de turbulence à l’arrière de la voiture. Cela avait un effet néfaste sur la stabilité aérodynamique du poursuivant, lui compliquant l’approche et les dépassements. Nous avions remarqué que, d'année en année, la tendance s’aggravait. Les règles de 2019 ont donc été conçues pour éviter ce genre de phénomène. D'après les indications que nous avons reçues de certaines équipes, nous avons fait un pas dans la bonne direction. Toujours dans l'objectif d’avoir des courses plus serrées, l'aile arrière subit également quelques modifications, elle devient plus large et plus profonde. À bien des égards, c'était un pari sûr, car nous savions que cela augmente l'effet du système de réduction de traînée et qu'une voiture peut donc se rapprocher plus facilement de celle qui la précède.
Avez-vous des données concrète du résultat de ces modifications ?
Nous ne nous attendions pas à un changement radicalement visible en Australie, qui est de toute façon une piste où il est difficile de doubler. Certaines simulations reprenant les paramètres de l’évolution classique d’une course ont cependant montré une augmentation de +10%. Pour d'autres courses, les mêmes simulations permettent de s’attendre à une augmentation plus importante, peut-être de l'ordre de +50%. Ces simulations proviennent de voitures testées l'année dernière avec les nouvelles règlementations. Pour l’instant, ce sont les seuls retours que nous avons, mais nous y verrons de plus en plus clair au fil de la saison. Nous n’attendions pas de miracle pour la première manche en Australie, mais plutôt un pas dans la bonne direction, du moins, en ce qui concerne l'aérodynamique.
Certains ont laissé entendre qu'à la suite de ces modifications, les temps au tour risquaient d’augmenter. Les nouvelles règlementations ont-elles permis d'éviter cela, était-ce une question préoccupante ?
Nous n'étions pas vraiment inquiets de savoir si cela rendrait les voitures plus lentes ou plus rapides. L’objectif n’est pas là. Le but est de renouer avec des courses plus serrées, car c’est que qui fait le spectacle. Je ne crois pas que les variations de temps au tour que nous envisagions soient significatives. Si nous étions 20 secondes plus lents au tour, ce serait une autre histoire, mais une ou deux secondes au niveau où nous nous trouvons, ça n'a pas d'importance si cela se traduit par des courses plus serrées, car grâce au développement des voitures, les équipes récupèreront ce temps ‘perdu’ et continueront à le faire pendant toute la saison. Je ne pense pas que l’attente tourne autour des performances pures ; je suis convaincu que l’important, c’est le spectacle.
Donc les règles n'auront pas d'impact sur l’attractivité de cette saison ?
Je dirais que l’attractivité d'une course dépend d'un certain nombre de paramètres et pas seulement de l'aérodynamique. Il y a aussi la gestion des pneus pendant la course, et nous avons révisé les pneus cette année. Cela dépend aussi des différences de performance. Par exemple, si vous pilotez une voiture qui est une seconde plus rapide au tour que la voiture qui suit, alors peu importe que la règlementation ait tout fait pour promouvoir des courses plus serrées. La voiture rapide s'éloignera et la course ne sera pas si excitante que ça. Parvenir à rester dans le sillage d’une voiture tient à la capacité de se suivre de près et aux écarts de performance. Et encore une fois, nous n’avons pas encore assez de recul. Nous avons vu quelques tendances de design à Barcelone et je suis sûr que les équipes vont tester les solutions des uns et des autres en souffleries et avec le CFD. J'espère donc que s'il y a un écart de performance entre les voitures au début, en raisons de certaines pièces de voitures plus simples, la convergence entre les équipes sera relativement rapide.
Avez-vous obtenu des données d'avant-saison sur la turbulence de sillage et sur les changements appliqués ?
De façon anecdotique, certains conducteurs ont mentionné qu'il était plus facile de suivre une autre voiture. C'est évidemment agréable d’avoir ce genre de retours, mais ce n’est pas significatif si vous suivez une voiture beaucoup plus lente ou une voiture avec un programme de test très différent. Je ne pense pas que l’on puisse vraiment juger hors conditions de Grand Prix. Et pour être honnête, les équipes sont beaucoup trop occupées dans les tests de pré-saison pour passer du temps à faire une analyse sérieuse sur ce sujet. Toutes les équipes disent que l’amélioration sous DRS est très positive. Mais comme je l'ai dit, c'était assez facile à réaliser. Certaines équipes disent que le sillage avant s’améliore mais que ce n'est pas un grand pas, alors que d'autres disent que cela représente un changement important. Ce n'est pas encore tout à fait clair.
Après les retours des équipes sur les changements aérodynamiques de cette année, êtes-vous globalement satisfait de ce qui a été réalisé ?
À l’observation des voitures en cours de tests et au vu de certaines solutions, nous aurions sans doute fait certaines choses un peu différemment, mais c'est toujours ainsi. Dans l'ensemble, je suis satisfait de la direction que prennent les caractéristiques aérodynamiques. Je ne pense certainement pas que nous soyons arrivés au bout, et nous ne pouvons jamais vraiment dire : "OK, tout est parfait". Toutefois, je pense que si nous n'avions pas suivi ce processus et si nous n'avions pas rédigé les règles de 2021, nous serions dans une position beaucoup plus faible. Pour ce que nous essayons d'accomplir, 2019 a été un exercice très utile et a atténué l'effet de sillage turbulent. Quant à savoir si le Championnat va être passionnant, cela dépendra du degré d'adéquation des équipes. Et comme tout le monde, c'est quelque chose que j'ai hâte de voir.
Quand pensez-vous valider une version définitive de ces règles 2021 ?
Le Code Sportif International de la FIA stipule que certaines choses doivent être finalisées fin juin, et c'est ce à quoi nous travaillons.
En ce qui concerne les autres règles de 2019, il y a eu quelques modifications en matière de sécurité, n'est-ce pas ?
Les ailerons arrière ont été un peu relevés pour une meilleure visibilité dans les rétroviseurs. Cela a été fait parce que nous avons constaté qu'une partie de la question de l'incapacité des conducteurs à bien voir était liée à l'emplacement des ailes arrière par rapport aux pieds latéraux et à la position des rétroviseurs. Le champ de vision était très mince et, selon la position de la tête par rapport aux rétroviseurs, les pilotes ne pouvaient tout simplement pas voir correctement. Nous avons déplacé l'aile arrière de 50 mm vers le haut pour corriger cela et nous avons également été un peu plus précis sur le positionnement du rétroviseur. Nous avons ajouté deux feux arrière sur chaque plaque d'extrémité d'aile arrière, qui s’ajoutent au feu arrière central existant. C'est évidemment pour augmenter la visibilité dans de mauvaises conditions météorologiques.
Les pilotes auront également droit à une capacité de carburant supplémentaire cette année. Dans quel but ?
Il y a une augmentation de 5 kg de carburant pour arriver à 110 kg afin de permettre aux pilotes de faire moins d'économies de carburant et de pousser un peu plus pendant les courses. Cela n'aura pas d'effet à chaque course, mais le changement devrait rendre la vie un peu plus facile aux pilotes. Je dirais que ce n'est pas une panacée, car il y a d'autres raisons pour lesquelles les pilotes économisent du carburant, comme le fait qu'une équipe choisisse de partir léger en début de course. Les règles ne peuvent pas couvrir ce choix mais, dans la mesure du possible, elles permettront aux pilotes de pousser plus fort dans les dernières étapes d'une course. En ce qui concerne ce souhait d'avoir des pilotes qui attaquent jusque dans les dernières étapes d'une course, il y a évidemment eu un changement significatif ces dernières semaines, avec une modification du règlement sportif qui offre des points de championnat pour le tour de course le plus rapide. Cela a été fait pour apporter plus d'excitation et encourager les pilotes à pousser dans les dernières étapes d'une course lorsque leurs voitures sont plus légères.
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