AUTO - LA POURSUITE D’UNE PASSION

  • gb
  • es
10.01.19

Après une carrière de Formule 1 couronnée de succès, le grand pilote de Grand Prix Felipe Massa se lance deux nouveaux défis : diriger le développement de la discipline de base du sport automobile en tant que Président de la Commission Internationale de Karting de la FIA, et participer au Championnat de Formule E, fenêtre sur le futur. Les deux, insiste-t-il, sont définis par la même motivation - le plaisir de la compétition.

Demandez aux pilotes de toutes les disciplines de course quel est leur sport automobile favori, et la grande majorité d'entre eux se prononcera en faveur d'un seul - le karting. Et les raisons d’un tel succès tiennent en trois mots clés récurrents : pureté, compétitivité... plaisir.

Et Felipe Massa n’y coupe pas. L'ancien pilote brésilien de Formule 1 et actuel pilote de Formule E a beau être un vétéran avec 269 départs en Grand Prix, 11 victoires et 41 podiums en 16 ans de carrière, le mot " karting " a encore le pouvoir de lui donner instantanément le sourire.

« J'ai débuté le karting à 8 ans et jusqu’à l’âge de 16 ans », dit-il. « Avant cela, j'avais une petite motocross, mais je pense que j'étais un peu trop fou, alors mon père m'a dit ‘OK, ce sera mieux sur quatre roues'. Nous vivions à la campagne, à deux heures de São Paulo, mais il m'a emmené en ville et j'ai fait une école dans ce que j'imagine être des mini-buggies et après cela j'ai commencé à faire du karting correctement. »

« Le type qui s'en occupait m'a dit que j'étais assez bon et mon père a décidé d’acheter un kart », poursuit-il. « Mon père mettait le kart dans la voiture et je m'asseyais dedans pendant le trajet jusqu’à São Paulo qui durait deux heures et demie. Ça donne une idée de mon niveau d’addiction. Et quand j'ai commencé à faire des courses... Vous savez, en tant que pilote, le karting c’est une école ; le karting nous apprend tout. Quand je suis passé aux voitures, j’ai continué d’apprendre d’autres choses, mais en karting, on apprend l'ordre, on acquiert l'expérience et la mentalité nécessaire pour devenir un bon pilote. C'est une forme de compétition très pure. »

L'amour de Massa pour le karting perdure tout au long de sa carrière - il court encore fréquemment avec sa propre équipe dans son pays natal - et après s'être retiré des Grands Prix à la fin de la saison 2017, l'ancien pilote Ferrari a transformé sa passion pour cette discipline en un engagement plus profond en assumant le poste de Président de la Commission Internationale du Karting de la FIA.

Depuis sa nomination en décembre 2017, Massa a participé à des événements de karting dans le monde entier, pour faire le point sur l'état actuel du sport et formuler sa propre vision de l’avenir de la discipline. Et bien qu’il pense fermement qu'il y a des changements à apporter, il est certain que l'esprit de base du sport - la pureté de la compétition - est en mauvaise santé.

« J’ai exactement le même sentiment que j'avais dans le passé quand je courais en go-kart », dit-il. « Quand je vais sur les pistes de course, je vois la réaction des pilotes, je vois la réaction des parents, comment ils me regardent, en pensant 'mec, j'espère qu'un jour je pourrai avoir ta carrière'. Le rêve de ces enfants est le même que celui qu’on fait tous les grands pilotes d’aujourd’hui. »

« Cependant, je vois qu’aujourd’hui, la discipline coûte un peu trop cher. C'est vrai pour toutes les catégories, et c'était la même chose quand j'étais jeune, surtout que je n'avais pas d'argent, mais bien que le sentiment soit le même, je pense que nous devons absolument réduire les coûts et les rendre encore plus accessibles. De plus, nous devons simplifier les compétitions. C'est un sport très complexe et il est parfois difficile pour les enfants de savoir où ils devraient courir et dans quelle catégorie. »

Massa estime que le processus de simplification et de réduction des coûts est déjà bien engagé, en grande partie grâce à l'introduction de nouveaux moteurs à entraînement direct en 2016, les moteurs OK, et à la création des classes OK et OK-Junior au niveau européen et mondial.

« Il y a quelques années, il y avait tellement de catégories différentes que même moi je n’y comprenais plus grand-chose, mais avec l'introduction des moteurs OK, les choses sont devenues beaucoup plus claires », dit-il.

« Maintenant, il y a la catégorie OK-Junior, qui s'adresse aux jeunes de 12 à 14 ans, la catégorie OK, pour les 14 ans et plus, la catégorie KZ sur des karts avec vitesses, et puis nous avons la catégorie KZ2, également sur karts avec des vitesses, mais comptant beaucoup de pilotes professionnels, dont des pilotes de mon âge. Ensuite, il y a les Superkarts, qui sont très rapides, une catégorie très différente. »

« Pour les catégories OK, le prix du moteur est plafonné à environ 2 000 euros, ce qui permet de réduire les coûts et de simplifier les catégories », ajoute-t-il. « Je suis très heureux parce que les choses sont plus claires et que le moteur OK fonctionne vraiment bien, donc maintenant l'objectif est de pousser d'autres pays à suivre cette voie. »

PORTÉE INTERNATIONALE

Bien qu'il existe une scène de karting dynamique dans de nombreux pays à travers le monde, l'Europe reste l'arène la plus compétitive de la discipline. Cependant, malgré le succès de la catégorie OK, Massa tient à ce que le modèle aille plus loin.

« Il y a tellement de pays où le karting n'est pas développé, ça va prendre du temps, mais je suis sûr que les choses iront dans le bon sens, avec l'idée de rehausser le profil ou de mettre en œuvre ces catégories dans différentes régions. Le problème, c'est que parfois, vous mettez en œuvre les catégories, ou il y a un fort désir de le faire, mais il manque tout simplement les pilotes. Nous devons améliorer la culture du karting dans de nombreux pays. »

Une partie de la vision du Président de la Commission pour répandre la popularité du karting international consiste à exporter l'épreuve finale des championnats du monde au-delà du cœur européen de la discipline.

« Nous devons aller dans d'autres pays, en Amérique, en Amérique du Sud, en Asie », dit-il. « Nous devons nous rendre dans les endroits importants pour la croissance du kart et nous devons pour cela comprendre comment le karting est perçu dans ces régions et ce que nous pouvons leur apporter. »

Massa aimerait également revoir le format des finales des championnats du monde, estimant que le fait de décider le titre sur une seule épreuve donne lieu à une compétition qui, en fonction des circonstances, peut ne pas récompenser le meilleur pilote.

« Pourquoi couronner un champion sur base d’un seul événement ? Pourquoi ne pouvons-nous pas faire en sorte que le championnat du monde se déroule sur plusieurs épreuves ? Je connais beaucoup de champions du monde, mais pour être honnête, certains n'étaient peut-être pas censés être champions du monde, mais ils ont eu de la chance parce que le leader casse son moteur, ou est victime d’une collision, ou encore n’a pas pu prendre le départ. Alors peut-être qu’il serait mieux d’avoir quatre épreuves », explique-t-il. « C'est possible, et dans des lieux étonnants. Je suis sûr qu'il y a des pays qui sont prêts à accueillir l'événement. Je ne pense pas que cela nécessiterait d'énormes sommes d'argent - peut-être un million et demi, et le parrainage pourrait en financer une grande partie. »

Une question parallèle s’est posée ces derniers temps, à propos de ce que l’on appelle "le facteur Verstappen", une culture de progression trop rapide du karting aux monoplaces, les jeunes coureurs et leurs familles cherchant à reproduire la progression étonnante, quoiqu’inhabituelle, de pilotes tels que Max Verstappen.

Massa est conscient du problème et ajoute que la transition rapide vers les monoplaces est exacerbée par l'augmentation du coût des compétitions de karting au niveau international.

« C'est un problème majeur », dit-il. « C’est très important et c'est l'une des premières choses dont j'ai parlé à la FIA. Nous devons être stricts sur les limites d'âge et nous devons discuter de ce que nous pouvons faire d'autre pour protéger les jeunes. »

« Les karts électriques font définitivement partie de l'avenir, non seulement pour les championnats d'Europe ou du monde, mais aussi les Jeux Olympiques. Ce serait une chose vraiment incroyable et nous insistons beaucoup pour que ça se formalise. C'est possible parce qu'en karting, surtout en version électrique, les constructeurs ne sont pas dominants », explique-t-il.

« Cependant, il y a encore beaucoup de développement à faire, en particulier sur les batteries, car elles sont encore trop lourdes. Les batteries sont beaucoup plus lourdes qu'un moteur ordinaire et du point de vue de la sécurité, nous sommes encore loin du compte. La CIK-FIA ne peut pas accepter le risque qu'un kart se retourne et atterrisse sur un pilote. Mais je sais qu'il y a un travail incroyable qui est fait pour rendre les batteries plus légères, alors peut-être que nous verrons le karting électrique à un niveau élevé dans un avenir pas trop lointain. »

NOUVEAU TERRITOIRE

La fascination de Massa pour les possibilités offertes par les courses électriques s'étend à ses propres activités sur piste, et après une belle carrière en F1, l'ancien pilote Ferrari se lance maintenant dans une nouvelle carrière de pilote en Championnat FIA ABB Formule E.

« Je suis très heureux d'en faire partie », dit-il. « Je voulais participer à un Championnat, pour faire ce que j'aime, des courses. J’ai songé aussi au DTM et aux voitures de sport mais selon moi, c’est le meilleur Championnat pour durer. Je m'intéresse vraiment à la Formule E parce que c'est un nouveau spectacle pour l'avenir. Les voitures électriques vont faire partie de notre ADN et la Formule E est la façon dont les voitures électriques vont évoluer. Elle évolue si vite. Une des meilleures preuve de son évolution est le nombre de pilotes engagés, de constructeurs impliqués. Cela montre que les courses électriques sont l’avenir. » 

En mai, Massa a rejoint l'équipe Venturi Formula E Team pour un contrat de trois ans à partir de la Saison 5 et le lancement des nouvelles voitures Gen 2 du championnat. C'est un développement qui, selon la nouvelle star de la FE, pourrait l'aider dans sa transition.

« C'est une nouvelle voiture pour tout le monde, une seule voiture pour toute la course et la mentalité du championnat a beaucoup changé », dit-il. « Donc, même si beaucoup de choses seront similaires, il est assez difficile de dire qui sera en tête. C'est un nouveau défi pour les équipes et pour moi c'est une bonne chose. »

Massa n'est pas le seul nouveau chez Venturi. Susie Wolff, l'ancienne collègue du Brésilien chez Williams F1 Team, a pris les rênes de l'équipe de Formule E en tant que responsable de l'équipe.

Massa voit donc la saison 5 comme un nouveau départ pour l'équipe Monégasque.

« Venturi est en Formule E depuis un certain temps et ils ont évolué avec la discipline, mais c'est tout de même un nouveau départ. Il y a beaucoup à apprendre et nous avons besoin de voir à quel point nous sommes compétitifs sur les premières courses. Mais les tests étaient bons, nous avons été compétitifs. BMW a démontré sa force, Audi aussi sur la fin, donc on attend de voir ce que ça va donner. »

Le vétéran de la F1 admet qu'il a fallu changer d'approche pour passer des voitures de Grand Prix à la Formule E, mais il relève le défi avec plaisir.

« C'est une voiture qui demande un pilotage très différent, toute la période d’apprentissage en F1, il faut la refaire pour la Formule E », dit-il. « Il y a beaucoup moins d'appui au sol, des pneus très différents et la gestion de la puissance est très, très différente. De plus, les pistes sont complètement différentes. C'est comme courir à Monaco tous les week-ends, ce qui est incroyable, mais c'est assez nouveau pour moi, donc j'ai encore des choses à apprendre. C'est un grand défi, mais c'est ce que j'aime. J'ai hâte d'y être et qui sait à quoi ça pourrait mener dans le futur. »

C'est la curiosité de l’inconnu qui a suscité l'intérêt de Massa, tant en Formule E qu'en karting. Il y voit l’occasion d’apprendre de nouvelles choses, d'explorer de nouveaux horizons excitants, avec pour seul but de vivre la compétition, de manière pure et simple.