AUTO - DU VIRTUEL AU RÉEL

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26.07.19

L’E-sport est l'une des industries à la croissance la plus rapide au monde. Certaines études affirment qu'elle dépassera le milliard de dollars de revenus d'ici 2019 pour une audience de 454 millions de personnes. Et le sport automobile n’échappe pas à la mouvance, la FIA étant à l'avant-garde de la révolution de la course automobile numérique.

S’ils existent depuis longtemps, ce n'est qu'au cours des cinq dernières années que les sports automobiles numériques ont vraiment décollé. Plus les jeux deviennent réalistes et bien plus proches des simulateurs, plus les frontières entre le monde réel et le monde virtuel des courses s’estompent, donnant vie à un nombre toujours plus important de championnats très médiatisés.
Après les premières mesures prises il y a plus d'une décennie par la Nissan GT Academy pour déplacer les joueurs de leurs canapés vers les circuits, les pilotes sur simulateurs disposent maintenant d'un nombre de plus en plus large et sophistiqué de séries de courses auxquelles ils peuvent participer. La Formule 1 a formé sa propre Esports Series en 2017, avec pour sa troisième saison, la participation des 10 meilleures équipes de monoplaces de la FIA et à la clé, un total de gains de 500 000 $ ; McLaren a créé son propre programme de course numérique interne, McLaren Shadow Project, pour aider à découvrir de nouveaux talents susceptibles de soutenir son équipe sur simulateur ; et la FIA, régulateur mondial du sport automobile, a également adopté l’Esport en tant qu’activité sportive automobile solide, grâce aux Championnats Gran Turismo Sport certifiés FIA lancé en 2018. L'intérêt pour ces championnats est grandissant. Plus d'un demi-million de joueurs ont participé au projet Shadow de McLaren en 2018. Plus de 66 000 joueurs ont participé à la F1 Esports Series, qui a attiré un public mondial de cinq millions de personnes. Et plus de 80 pour cent des téléspectateurs de la série étaient âgés de moins de 35 ans, ce qui prouve l'attrait du sport automobile numérique - en particulier pour les jeunes générations.

 

Un parallèle flagrant

Pour le vice-président de la FIA pour le sport, Graham Stoker, le lien étroit entre le sport automobile et la compétition numérique donne à la Fédération une occasion unique de poursuivre son engagement et de contribuer à son développement. « Les jeux de simulation de pilotage et de sport automobile sont maintenant si précis qu'ils commencent à avoir de sérieuses implications pour nous », explique Stoker.
« Étrangement, les compétences sont directement transférables. Ce n'est évidemment pas le cas pour toutes les autres séries sportives numériques, comme le football par exemple. Les gens qui gagnent ces compétitions n'ont pas forcément les compétences faire des prouesses avec un ballon sur le terrain. Mais avec le sport automobile, les choses sont différentes : il y a un vrai lien. Et la FIA est particulièrement bien placée pour l’utiliser comme un moyen d'encourager les gens à s'adonner au sport automobile. » Les Championnats Gran Turismo Sport Certifiés FIA utilisent le très populaire jeu Gran Turismo Sport sur PlayStation 4, et grâce à la plateforme, les coureurs du monde entier peuvent participer en ligne et tenter de se qualifier pour une série d'événements en direct, avec une participation individuelle à la Coupe des Nations et en équipes pour la série constructeurs.
Le Secrétaire général de la FIA pour le sport, Peter Bayer - lui-même joueur - estime que le partenariat avec Gran Turismo a changé la donne pour la Fédération, lui permettant non seulement d'élargir sa contribution au sport automobile, mais aussi d'aider à découvrir de nouveaux talents qui n’auraient sans doute jamais eu la chance d'aller sur le terrain.
« Quand les gens de Gran Turismo se sont approchés de la FIA et ont présenté l'idée de créer une ligue sportive de la FIA dans le jeu, ça a été une nouvelle vraiment excitante pour nous », dit Bayer. « Nous essayons depuis un certain temps de comprendre comment nous pouvions nous engager dans le domaine des sports mécaniques numériques et c’est là un merveilleux point d’accès. »
« Pour nous, c'est une occasion en or de développer le sport, de trouver de nouveaux talents, et tout cela dans un environnement sûr et très rentable. Une fois que vous avez votre console, un simulateur et d'autres accessoires à la maison, le coût du jeu n'est pas vraiment élevé. »
Le caractère économique du sport automobile numérique s'est avéré particulièrement efficace dans les pays qui n'ont pas une culture ancienne de la course automobile et qui recherchent des moyens de développer le sport automobile.
« Le numérique ouvre de nouveaux marchés », explique Bayer. « Les pays où le sport automobile n'est pas aussi développé qu'en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie ont manifesté un grand intérêt pour le sport automobile numérique. Et pour ces personnes, c'est une réelle opportunité de s'engager auprès d'un jeune public et de découvrir de nouveaux talents.
« Il y a des exemples célèbres d'enfants qui pilotent sur des simulateurs, on les met ensuite dans une vraie voiture et après quelques jours, ils commencent à gagner des courses. C'est une formidable opportunité. »

Igor Fraga et Brendon Leigh sont deux pilotes qui font la transition depuis le monde virtuel vers le monde réel. Fraga a été couronné premier champion de la Coupe des Nations Gran Turismo de la FIA à Monaco l'année dernière et a remporté la compétition McLaren Shadow Project en intégrant sa configuration F1, tandis que Leigh est deux fois champion de la F1 Esports Series et membre de l'équipe Mercedes' Esports.
Après avoir vu sa carrière de pilote de sport automobile sur circuit s’écrouler en raison des difficultés de financement - un défi auquel sont confrontés de nombreux jeunes conducteurs - Fraga a vu le sport automobile numérique comme un moyen de faire avancer sa carrière.
« Je me suis rendu compte que cela pourrait me donner l'occasion d'accélérer ma carrière de pilote de course », explique le Brésilien, dont le succès en 2018 lui a permis de décrocher le titre de champion d'Europe de Formule régionale cette saison, où il a signé deux podiums en cinq courses. Leigh, ancien commis de cuisine, est devenu le visage de F1 Esports avec des victoires consécutives de titres, ayant mené à son entrée dans la Course des Champions et la Formule Ford 1600 Series au Royaume-Uni en 2019. « Cela prouve que les choses deviennent plus précises, que le monde numérique est une porte ouverte sur le monde réel », explique Leigh. « Si vous n'avez pas le budget pour faire du karting, vous pouvez peut-être gravir les échelons en F1 Esports, le temps de peaufiner vos connaissances et vos capacités. Ensuite, il est possible de se tester sur circuit pour voir si le transfert de compétences est effectif. »


Pilotage numérique

En plus de donner aux coureurs sur simulateur la chance d'entrer dans le monde réel de la course automobile, le sport automobile numérique est en train de devenir une activité de sport automobile à part entière, offrant une action palpitante qui a suscité l'intérêt des téléspectateurs à travers le monde.
« N'importe quel passionné de course peut suivre une course d'Esports et suivre l’action », explique Julian Tan, responsable Esports and Growth chez Formula One. « Toutes nos voitures sont sur un pied d'égalité, ce qui nous rapproche de la course. Nos compétitions représentent 25 pour cent d’une course normale, donc elles sont rapides avec beaucoup d'action. Et les pilotes eux-mêmes sont plus enclins à prendre des risques, ce qui crée un produit Esports excitant du point de vue du spectateur. »
La FIA est impatiente de faire progresser le sport automobile numérique en tant qu'activité parallèle à ses championnats sur piste et un groupe de travail sur le sport automobile numérique a été formé pour explorer les intérêts de la discipline. Le sport automobile numérique sera également l'une des disciplines disputées lors des premiers FIA Motorsport Games à Rome dans le courant de l'année, aux côtés des courses de GT, des voitures de tourisme, de Formule 4, du drift et du karting.
« Lorsque nous avons eu l'occasion de choisir les disciplines qui participeraient aux FIA Motorsport Games, il est rapidement devenu évident que nous devions inclure le sport automobile numérique dans notre programme, car cela démontre notre engagement et notre conviction face à cette grande opportunité pour le sport automobile », explique Bayer.
« Nos ASN nous ont demandé de l'aide dans ce domaine. L’intérêt est grandissant au sein de nos clubs membres et il est logique de dire que si nous avons créé les Championnats de Gran Turismo Sport Certifiés par la FIA, c’est pour les coupler à nos disciplines de course traditionnelles ». L'ADAC (L’Automobile Club d’Allemagne) est le plus grand club automobile d’Europe, il a observé comment le sport automobile numérique peut aider à faire grandir une toute nouvelle génération de fans, tout en donnant à un grand nombre de personnes la possibilité de participer à des compétitions via les championnats virtuels mis en place.
« Nous avons fait entrer l'ancien monde du sport automobile et les clubs de villages dans le monde numérique par le biais des courses sur simulateur », explique Marc Hennerici, de l'ADAC. « Nous avons environ 6 000 clubs en Allemagne et tous ces clubs commencent à s'affronter sur des simulateurs haut de gamme… C’est un réel succès, » ajoute-t-il.
« Les clubs me disent qu'ils gagnent beaucoup de nouveaux membres, et tous ces nouveaux membres ont entre 14 et 23 ans. C'est quelque chose qu'ils n'ont pas connu depuis l'époque du succès de Michael Schumacher dans les années 1990. »
Pour le vice-président de la FIA, Stoker, c'est ce type d'accessibilité qui rend le sport automobile numérique si important pour la FIA à l'avenir. « Tout ce qui enrichit l'expérience des fans et encourage les gens à s'impliquer d'une manière ou d'une autre dans la course est une grande chose », dit-il. « Quand je vais à des événements comme FIA Girls on Track ou Dare to be Different, on voit des jeunes de 8 à 18 ans faire la queue pour tester les simulateurs.
« Peu importe le domaine dans lequel ils font potentiellement carrière, tant qu'ils restent dans le milieu du sport automobile, je suis heureux », conclut-il. « Ils peuvent devenir ingénieurs, bénévoles, pilotes ou membres d’équipes. Quelle que soit leur destination finale, l'idée de vivre une expérience excitante et accessible grâce à un simulateur qui stimule l’imagination est une excellente chose. C'est une perspective vraiment excitante. »

 

Connexion virtuelle à la grille

Au cours des deux dernières années, le programme de développement du sport automobile de la FIA a contribué à financer des projets au Rwanda, en Afrique du Sud, au Bangladesh et au Sri Lanka, qui contribuent à accroître la participation au sport automobile via les courses numériques. L'Automobile Club rwandais a travaillé avec les écoles pour établir un championnat Gran Turismo en ligne, en encourageant la participation et en essayant de convertir les pilotes virtuels à obtenir des permis réels.
Un programme similaire a été lancé par la MSA en Afrique du Sud, qui cherche non seulement à attirer de nouveaux participants au sport automobile mais aussi à identifier de nouveaux talents au niveau local. Le projet vise à attirer 200 participants dans chacun des 12 sites et à délivrer 50 licences numériques au cours de sa première année. Au Bangladesh, un programme de recherche de talents a été lancé pour guider davantage de jeunes vers la compétition et contribuer au développement du sport automobile dans le pays, non seulement en tant que pilote, mais aussi au niveau arbitrage et ingénierie. Des événements se déroulent dans tout le pays, pour aboutir à une finale dans la capitale, Dhaka.
Enfin, le Ceylon Motor Sports Club du Sri Lanka a reçu une subvention pour s’équiper de Playseats, ce qui lui permet de développer un championnat en ligne dans les écoles utilisant ces appareils de simulation. Une finale inter-scolaire aura lieu à la fin du programme afin de faire passer les vainqueurs sur circuit.
« Il y a des parties du monde où il y a d'énormes talents dormants, » déclare Graham Stoker, Vice-président de la FIA pour le sport. « Je pense à l'Afrique, à tous les talents qu'il y a là-bas, mais nous avons de gros problèmes pour faire participer les gens aux courses. Il a-t-il des circuits ? Y a-t-il des véhicules disponibles ? »
« Si nous pouvions installer tous ces gens dans des simulateurs modernes, nous pourrions participer à la détection des talents dans le monde entier. »